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 Du bout des doigts [nouvelle qui aura p-e une suite un jour]

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AuteurMessage
Nathalie

Nathalie


Nombre de messages : 19
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Date d'inscription : 23/07/2008

Du bout des doigts [nouvelle qui aura p-e une suite un jour] Empty
MessageSujet: Du bout des doigts [nouvelle qui aura p-e une suite un jour]   Du bout des doigts [nouvelle qui aura p-e une suite un jour] Icon_minitimeJeu 31 Juil - 0:11

Ce n’était pas un jeu, pas même un besoin, juste cette envie d’exploration, l’envie de jouer les pionniers du passé. Et quel passé ! Aurions nous cru un seul instant qu’il nous sauterait à la gorge ?
Nous avons franchi le muret qui perdait ses pierres par fragments décrépis, puis poussé les portes aux vitres crevées et aux gonds grinçants. Nous avons fait tout cela sans même un frisson, et nous sommes entrés.
Un couloir couvert de graffitis obscènes ouvrait une bouche baignée de lumière devant nous, il était court, et menait à une immense salle où se promenait un vieil escalier aux carrelages brisés. Derrière celui-ci un autre escalier descendait, il semblait hors des siècles, hors de la vie qui reprenait ses droits en pousses tordues sur l’édifice. Il était propre, poussiéreux, mais propre malgré tout. Personne n’avait songé à le couvrir d’inscriptions, personne ne semblait en avoir parcouru les marches depuis une éternité silencieuse. Nous avons allumé une lampe de poche et sommes descendus sans crainte mais avec un étrange pressentiment au ventre. Pas un mot ne fut prononcé, et je ne traiterai pas celui qui suivait mes pas de couard, mais loin de ressentir les lieux comme j’avais l’impression de pouvoir le faire, il semblait intimidé de mon silence plus que de l’atmosphère empreinte de mystère qui me grignotait les sangs sans que je m’en rende vraiment compte. Il se contentait de me suivre alors que je suivais une piste que je n’imaginais même pas possible.
Une fois en bas, nous avons compris que notre lampe n’était pas utile, de fines fenêtres laissaient passer une lumière grisée de poussière jusqu’à nous.
La pièce devant nous ressemblait à un laboratoire, des clichés de radios étaient jetés négligemment sur une table à carreaux blancs. Les murs étaient faits des mêmes carreaux, le sol également, rien qu’une pièce qui n’ouvrait sur rien, qui ne menait à rien, et pourtant, qui m’a menée à toi…
Notre rencontre ne fut pas des plus faciles, pour l’une comme pour l’autre, et aussi inattendue que brouillonne.
J’ai saisi un des clichés, sans savoir pourquoi, et une sensation désagréable m’a submergée, m’emportant dans un flot de mal être dont je ne pouvais me dépêtrer. Lentement, la sensation s’allégeait pourtant, mes pensées et mes sens ne tourbillonnaient plus autour de moi, elles se remettaient lentement à leurs places respectives jusqu’à cette sensation étrange, de sentir de tous petits doigts serrer mon poignet, comme si une enfant me sortait de l’eau où j’avais failli me noyer.
Finalement je lâchai le cliché et reculait de la table, mon compagnon remontait déjà les marches et je pressais le pas pour le rejoindre, ne sachant pas expliquer ce que je venais de vivre, ne voulant pas l’expliquer tant j’avais l’impression de devenir folle.
Nous sommes revenus dans la salle principale, elle était trouée de nombreuses portes ouvertes. Le temps de choisir laquelle nous prendrions en premier, j’ai posé les doigts sur le mur, et c’est là que je t’ai vue.
Petit ange blond vêtue d’une robe légère et blanche comme ton innocence, tu as posé tes doigts, juste sur les miens, j’ai senti ton étreinte fraiche et douce, tellement concrète et pourtant aussi fragile qu’une illusion. Tes yeux se sont ancrés dans les miens, ils étaient du même brun, ils avaient en eux la gaieté que j’avais perdue trop tôt.
Durant ce moment étrange où nous nous découvrions, plus rien d’autre n’existait, juste nos regards, notre échange muet, nous étions seules au monde.
Tu m’as lâchée, et le vide s’est emparé de mon être, comme si on m’avait arraché le cœur sans prévenir. Mais je te voyais toujours, je voyais tes boucles couleur de blé se balancer dans ton dos au rythme de tes pas. Tu avançais en gardant les mains sur le mur, en suivant les renflements, j’ai voulu te dire d’attendre, j’ai tendu la main, et tu as disparu.

Déboussolée, saisie d’un vertige incontrôlable, je me suis à nouveau appuyée au mur, et ton visage, ton sourire, m’ont accueillie, comme si tu n’étais jamais partie. Et c’était le cas, tu t’étais cachée de ma vue derrière un large pilier de pierre sans que je m’en rende compte. Tu suivais toujours le tracé des cloisons de tes petits doigts de poupée. Silencieuse, presque recueillie, tu as finalement arrêté ton avancée fantomatique et tu m’as parlé.

-Tu peux lâcher les pierres maintenant, je ne partirai plus.

Ta voix était un peu tremblante, assurée mais emplie de trémolos qui lui offraient une douce variation, qui vibra tout au fond de moi en une sensation de bien-être. Je me décollais du mur sans te quitter des yeux, et sans plus parler je t’ai suivie dans les dédales de couloirs, dans tes amas de souvenirs.

-C’est ici que tout a commencé.

Tu n’ajoutas rien, et je ne posais pas de question, comme toi, je regardais la porte grise à la vitre en verre poli. Comme toi, je voyais les ombres derrière cette porte, ces formes mouvantes qui parlaient à mi-voix en s’agitant. Tu t’es approchée, et tu as doucement posé ton front sur la paroi glacée. Deux grosses larmes ont roulé sur tes joues, je me suis accroupie près de toi, j’ai voulu te serrer contre moi, mais tu as reculé avec ton sourire d’ange triste.

-Non, pas encore. Regarde, elle s’en va…

La porte s’est ouverte, et elle partait, c’est vrai. Elle a déposé un baiser sur ton front d’enfant et elle est partie sans un regard en arrière. Pressant le pas jusqu’aux marches de pierre. Impuissante, je t’ai vue courir un instant, tendre tes maigres bras dans le vide qu’elle laissait derrière elle. J’ai pu entendre ta petite voix, étranglée de sanglot.

-Maman…

Mais elle a continué son chemin, elle n’a même pas entendu ton appel, ta prière de poupée abandonnée. Tu t’es laissée glisser contre le mur, tu as ramené tes jambes sous toi et les larmes ont coulé en gros bouillons saccadés de sanglots. Tu contenais le désespoir du monde dans ton petit cœur innocent et tu le laissais s’échapper par tes yeux. Tu as levé la tête quand je me suis approchée et tu as souris, mais les étoiles dans ton regard étaient si tristes, si déchirantes de solitude, que je n’ai pas osé dire un mot. Tu m’as pris la main, et nous avons continué notre route.

Un pas après l’autre, nous avons gravi les marches d’un petit escalier de service. Tu n’ouvrais pas la bouche, moi non plus, le silence guidait nos pas dans un même rythme. Nous sommes arrivées dans une petite aile au couloir étriqué et pourtant baigné de lumière. Deux larges portes battantes se trouvaient sur notre droite, tandis qu’à gauche des portes de fer, comme les portes d’une prison, se succédaient invariablement. Tu t’es arrêtée et je les ai entendus, les cris, les pleurs, la rage et la colère, la souffrance et le martyr de chaque âme était imprégné dans les murs avec tant de force que je faillis m’écrouler.

-Ne les écoute pas, ici ils vont te faire peur. Moi aussi j’avais peur.

Tu as laissé tes doigts courir sur une porte avant de l’ouvrir. Tu n’es pas entrée, tu m’a regardée, tu avais l’air effrayée, perdue…
-Toi tu ne viens pas, mais moi je dois y aller, tu comprends, il faut que tout soit fait…

Je ne comprenais pas, je ne comprenais plus. Pourquoi donc t’aurais-je laissé là ?

-Je viens avec toi.
-Non, j’ai peur là bas, et je ne pourrais pas te protéger, attend moi ici, c’est mieux.

Pourquoi ais-je cédé si facilement, pourquoi ton regard m’hurlait de venir quand ta voix me suppliait de te laisser ? Je n’en sais rien, toujours est-il que j’ai laissé la porte se refermer sur tes pas, et j’ai attendu.
Il y a eu un bruit de verre brisé, et un grand cri, il y a eu ce hurlement de terreur, ce bruit de chute puis le cliquètement étrange qui a couvert chaque bruit. Pourtant je ne bougeais toujours pas, ce qui me fit reprendre pied avec ta réalité, fut cette douleur sourde que je sentais percer mon âme, ton désespoir était si intense qu’il me fit mal au plus profond de moi.
Je n’ai pas hésité, j’ai ouvert la porte et j’ai vu ce qui t’avait fait si peur.
Tu étais assise sur une chaise en cuir de mauvaise qualité, tes mains se serraient convulsivement sur les accoudoirs auxquels elles étaient attachées par de grosses sangles.
Il se tenait derrière toi, vainqueur, avec ses ciseaux qui faisaient tomber tes mèches dorées sur le sol crasseux. Il profitait de chaque coup de ciseau pour te murmurer à l’oreille des choses abominables, pour t’énumérer ce que les méchantes fillettes comme toi enduraient ici.
J’avais envie de le saisir à la gorge et de le secouer comme un prunier mais ton malheur me prenait à la gorge. J’ai tiré une vieille chaise à roulettes près de toi, et je me suis assise, prenant ta main dans la mienne. Tu as serré à m’en briser les os tandis que tu fermais les yeux pour ne plus l’entendre. Je me suis penchée vers toi, essuyant une larme du bout des doigts.

-Je suis là ma puce, ce n’est rien, je suis là…

Que pouvais-je dire d’autre ? Je ne trouvais pas les mots, j’avais l’impression qu’ancrée dans ta souffrance tu ne me voyais plus. Pourtant tu m’as souris, faiblement, mais j’ai su que tu m’entendais. Alors, pendant qu’il te racontait ses horreurs, je t’ai raconté une histoire inventée sur le moment. D’une petite fille blonde qui rencontrait un gentil loup dans les bois, qui aidait le loup à retrouver sa famille et qui vivait finalement heureuse avec eux. Puis elle reprenait la route pour rentrer chez elle, croisait une sorcière aux cheveux verts qui lui apprenait à parler aux oiseaux et lui racontait qu’un prince transformé en aigle vivait dans la forêt. La petite fille rencontrait l’aigle, lui parlait dans sa langue et l’aidait à rentrer dans son palais, puis en versant une larme sur ses ailes, lui rendait sa forme humaine. Ils finissaient heureux tous les deux dans un pays qui n’appartenait qu’au bonheur.
La danse des ciseaux venait de s’achever, l’homme t’a détachée, tu t’es levée sans me lâcher la main, et nous sommes sorties.

-Merci.

Je n’en demandais pas tant, voir ton sourire renaître était le plus doux des cadeaux, mais nous devions continuer. Le jour déclinait et il nous fallait terminer avant la nuit. Je ne sais comment, mais cela se sentait, nous devions avoir fini avant que les ombres prennent possession des lieux.

Nous avons encore gravi un escalier étroit, tu me montrais tes souvenirs comme on déballe son cœur. Les médecins, certains gentils, d’autres détestables, les infirmières qui te poussaient parce que tu étais dans leurs jambes, et Anna, l’infirmière qui t’a offert une poupée de chiffon pour tes huit ans. Au fil de notre marche, tes cheveux repoussaient, ta silhouette gagnait en hauteur mais tu maigrissais, ta peau prenait un ton gris, tes yeux perdaient petit à petit de leur éclat.

-C’est pour elle que je suis toujours là, je ne peux pas partir sans elle, tu comprends.
-Pour Anna ?
-Non, pour Emilie…

Je ne comprenais pas, mais continuais à te suivre. Nous sommes arrivées tout en haut de l’édifice, au dernier étage. Le vent soufflait des injures à travers les fenêtres brisées. Ici il n’y avait qu’un boyau étriqué et noir, tout au fond, deux portes battantes et de chaque côté de petites portes en bois, sans serrure ni judas.

-C’est ici qu’ils mettent des choses dans ton corps quand tu es trop malade. Ensuite on te couche là et on te laisse faire dodo…

Tu t’es arrêtée devant une des petites portes, tu souriais, sereine, presque avec la résolution des gens très âgés devant la mort… Tu avais encore maigri, tes os saillaient sous ta chemise de nuit.

-Viens, ici c’est ma chambre.

Je posais les doigts sur la porte, y rencontrant une éraflure. Quelque chose y était gravé, je plissais les yeux pour y lire un prénom, tracé à grands coups de couteau d’une main pourtant enfantine. « Jeanne »

-Tu vois, il y a mon nom sur la porte…

« Jeanne »… Ce prénom me semblait si doux et si fragile à la fois, il t’allait si bien petite fleur… Nous sommes entrées. Il y avait là un vieux lit de fer forgé avec un matelas rongé par la vermine et des draps souillés. Tu t’es assise sur le bord du lit, tes jambes battant l’air en cadence. De ton doigt déjà crochu comme celui d’une vieille femme, tu as montré le dessus d’une armoire.

-Elle est là, mais je suis trop petite, alors je ne pars pas.

Je me suis hissée machinalement sur la pointe des pieds, passant la main sur le dessus poussiéreux du vieux meuble. J’y ai rencontré un morceau de chiffon que j’ai tiré à moi, c’était ta poupée. Je l’ai regardée longuement avant de tourner mon visage vers toi. Nous nous sommes parlé sans dire un mot, nous savions qu’il était temps. Tu t’es levée, tu as toussé, craché un peu de sang sur le drap, je t’ai tendu la poupée, Emilie… J’ai relevé le drap tandis que tu t’allongeais dans le lit qui paraissait vouloir t’avaler dans sa souillure. Je l’ai déposé sur toi, t’ai bordée avec une douceur teintée de peur malgré tout. Un baiser sur le front d’Emilie, un sur le tien, j’ai pris ta main dans la mienne.

-Bonne nuit Jeanne.
-Bonne nuit… maman.

Il y avait une prière muette dans ta voix, alors je me suis approchée de toi, j’ai passé la main dans tes cheveux.
-Je suis là ma puce, maman est là…

Des mots qui sont sortis seuls de ma bouche, ton sourire qui s’est étiré, tes yeux qui se sont fermés, et ma main… qui s’est refermée sur le drap moite.
Tu étais partie, c’était terminé, tu allais retrouver ta maman au royaume des anges où tu avais plus que mérité ta place.

J’ai traversé le sanatorium comme une somnambule, j’ai retrouvé mon ami dehors et nous sommes partis. Je n’ai jamais pu lui raconter ce qui s’était passé ici, et pourtant, il m’arrive souvent de penser à toi. Les mots sont enfin là tu vois, je t’avais promis de ne pas t’oublier, et à présent, mon témoignage restera pour te rappeler à ma mémoire aussi fidèlement que possible.
Bonne nuit Jeanne, garde moi une petite place là haut, j’aimerai voir ton sourire quand je te rejoindrai de l’autre côté de ce monde. J’aimerai pouvoir une dernière fois caresser ta frimousse, du bout des doigts…
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